4 clés pour maîtriser le risque d’impayés
La crise que traversent les agriculteurs a des répercussions sur les coopératives et négoces. Pour éviter les impayés, la prévention est essentielle. Elle permet, selon Jérôme Lecleire, consultant formateur juridique et financier, de détecter les difficultés en amont et de proposer des garanties avant de passer à la phase de négociation puis de judiciarisation.
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Infuser une culture de la prévention
La loi de modernisation de l’économie impose des délais de règlement dans les rapports commerciaux entre professionnels mais la DGCCRF a reconnu que la relation entre une coopérative et son adhérent n’entre pas dans ce cadre. Dans la pratique, les sommes dues sont réclamées à la récolte ou lorsque les animaux arrivent à maturité. En revanche, un client ou un tiers non associé doit respecter la loi via un délai de règlement de 45 jours fin de mois ou 60 jours maximum, mais les dépassements sont fréquents. Une date de règlement est alors définie ensemble. L’objectif est de tout faire pour éviter qu’elle ne soit dépassée. La maîtrise du risque passe par la détection des difficultés des agriculteurs en amont grâce au suivi d’indicateurs internes (par exemple, l’encours de factures dues par hectare d’exploitation qui ne doit pas dépasser un certain montant). Il existe de plus en plus de profils de « credit manager ». En lien avec les services comptable, contentieux, juridique, relation client et technique, son rôle est de définir la politique de crédit et de suivre les encours. Cette politique, qui précise les procédures de prévention et de recouvrement, doit être clairement expliquée aux agriculteurs. C’est aussi au credit manager d’infuser une culture de la prévention des risques financiers auprès de tous les salariés afin de parler d’une seule voix au producteur.
S’emparer des outils de garantie
Lorsque le distributeur identifie un risque d’impayé, trois mécanismes sont à sa disposition pour trouver une solution avec l’agriculteur. Le warrant est une garantie sur les biens de l’exploitation, notamment la récolte ou les animaux. À leur vente, l’argent dû revient au distributeur titulaire de la garantie. La cession de créance (notamment des primes Pac) et la délégation de paiement (qui consiste à se faire payer directement par un autre client de l’agriculteur) sont aussi possibles. Pendant cette période d’accompagnement, souvent menée par le TC, la compréhension et l’empathie sont primordiales : « Je t’accorde un délai de quelques mois mais je te demande de t’engager sur un warrant, une cession ou une délégation. » Il doit aussi rappeler les enjeux : « Si nous ne trouvons pas d’accord, la coopérative ne sera pas en mesure de continuer à te livrer. »
Relancer et négocier
Si le délai est dépassé ou si l’organisme constate qu’il n’a pas été payé alors qu’une rentrée d’argent est constatée chez son adhérent/client, la phase de négociation, appelée aussi recouvrement amiable, s’ouvre. La direction et tous les services concernés sont mobilisés. Un process de négociation et de relance est mis en place selon le type et le montant de la créance, mais aussi le profil de l’interlocuteur (adhérent/client, bon/mauvais payeur…). L’empathie cède la place à la fermeté avec une montée en puissance tout au long de cette phase. Plus le temps passe, moins la situation est favorable à l’agriculteur, qui doit en prendre conscience par l’évolution du discours de la structure ; car l’étape suivante est judiciaire, et personne n’y a intérêt. Selon la politique interne, le TC peut être mobilisé lors de cette procédure via une visite ou un appel accompagnant le premier courrier de relance. Il endosse aussi un rôle de transmission aux services concernés des informations qu’il détient sur l’exploitation. Si les négociations n’aboutissent pas en quelques semaines, une mise en demeure de paiement est envoyée par lettre recommandée. Parfois, elle provoque un choc chez l’agriculteur qui veut éviter un passage devant les tribunaux.
Passer à la phase de judiciarisation
Si tout a échoué, l’entreprise poursuit l’agriculteur devant les tribunaux : soit elle externalise la procédure à un avocat, soit elle réalise une injonction de payer auprès du tribunal. Je constate une forte demande des salariés à se former à cette démarche beaucoup moins onéreuse. Si l’agriculteur est en procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), la structure va devoir stopper son action en cours. Elle doit connaître ses droits et devoirs inhérents à cette situation pour agir vite afin de défendre ses intérêts. Le risque est la perte sèche.
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